La dernière danse des plus-values exonérées
Avez-vous déjà demandé à un conseiller d’entreprise quel était son ressenti par rapport au dernier trimestre d’une année civile ? Il vous répondra certainement « mouvementé », « chaotique » ou quelque chose de similaire. Chaque année, une certaine inquiétude s’empare des entrepreneurs et des chefs d’entreprise quant à la question du maintien de l’exonération des plus-values sur actions.
Il y a cinq ans, le gouvernement Michel avait compris qu’il n’y aurait pas de taxe sur les plus-values dans cette législature. Quelques autres taxes ont été introduites pour apaiser les esprits, comme la taxe sur la spéculation, qui permettait d’imposer une plus-value rapide sur actions dans l’impôt des personnes physiques. Mais elle a presque été immédiatement abandonnée. La taxe sur les comptes-titres, version 1.0, a également été introduite, puis annulée par la Cour constitutionnelle. Entre-temps, la version 2.0 a été soumise à évaluation. Le législateur ayant peu de prise sur ces taxes, il est probable qu’une taxe beaucoup plus large sur les plus-values se profile à l’horizon.
La crise sanitaire a creusé un gouffre dans le trésor public. Maintenant que la crise économique semble plus ou moins sous contrôle, il est indispensable de se préoccuper de ses conséquences financières. Il faudra tôt ou tard trouver une nouvelle source de revenus. La taxe sur les plus-values sur actions est mentionnée dans chaque débat. Elle est considérée comme une solide source de revenus, sans pour autant pousser d’autres impôts faramineux à des niveaux encore plus inacceptables.
Mais ce n’est pas tout. Il existe depuis des années un consensus informel sur le besoin d’une réforme majeure de l’impôt des personnes physiques. Le groupe de réflexion fiscal du Conseil Supérieur des Finances et le ministre des Finances ne reculent pas devant l’idée de taxer les plus-values sur actions.
L’exonération des plus-values sur actions fait partie de la doctrine des « opérations de gestion normale d’un patrimoine privé », ce qui pose un autre problème. La doctrine internationale des droits de l’homme considère la perception de taxes comme une forme de saisie. Et une saisie n’est autorisée que si les règles en sont très claires. Le problème est que le concept de « gestion normale » peut être interprété de manière très différente. Il est donc difficile, pour le contribuable, d’évaluer les conséquences de ses actes. La notion de « gestion normale » pourrait ne pas résister à l’épreuve des droits de l’homme. On pourrait déjà convaincre un juge fiscal de soumettre cette question préliminaire à la Cour constitutionnelle. Si elle arrivait à la conclusion que la notion manque de précision, il faudrait créer un nouveau système fiscal.
Le fisc a développé diverses doctrines afin de pouvoir quand même procéder à la taxation dans certains cas.
D’autres phénomènes s’accumulent tels des nuages menaçants au-dessus de l’exonération fiscale. Qu’en est-il des cryptomonnaies ? Il n’y a aucune raison de les traiter différemment de tout autre avoir patrimonial privé. En principe, les plus-values devraient donc être exonérées. Mais les autorités et le fisc ne voient pas les choses du même œil. Il convient également de mentionner la prise de valeur de l’art et d’objets apparemment banals comme les collections Panini. Il n’est pas inconcevable que la création d’un cadre juridique plus clair relatif aux cryptomonnaies entraîne dans sa chute l’exonération des plus-values sur actions et autres avoirs patrimoniaux.
L’année à venir ne s’annonce pas plus calme pour le conseiller d’entreprise susmentionné. Les questions sur la protection contre une éventuelle taxe sur les plus-values seront encore plus nombreuses. Des opportunités se présentent dans ce domaine, mais il faut faire preuve de prudence. Le fisc a développé diverses doctrines afin de pouvoir quand même procéder à la taxation dans certains cas. La taxation semble vraiment ancrée dans la nature du fisc, c’est plus fort que lui.