CRYPTO: Suis-je tenu(e) de déclarer mes comptes crypto?

Dave van Moppes
Baptistin Alaime
Toon Proost

CRYPTO - Suis-je tenu(e) de déclarer mes comptes crypto ?

Tout contribuable possédant un compte étranger doit l’indiquer chaque année dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques. Le contribuable est également tenu de déclarer ce compte et ses détails au Point de contact central de la Banque nationale de Belgique (« PCC »). Il s’agit d’une base de données électronique visant à recueillir tous les numéros de compte et les contrats détenus par les résidents belges auprès d’établissements financiers.

Cependant, la question de savoir si le contribuable qui dispose d’un compte crypto (également appelé « wallet ») est soumis à la même obligation ne connaît pas de réponse claire jusqu’à aujourd’hui.

a) Les différents types de « wallets »

Un wallet est un support ou une application où un investisseur peut loger ses cryptomonnaies. En général, on fait la distinction entre un custodial wallet et un non (ou self) custodial wallet :

  • Un custodial wallet est un portefeuille dont la clé privée (private key) est conservée par un tiers. Le tiers a le contrôle total des actifs sur le portefeuille, l’investisseur n’autorisant que la réalisation de paiements.
  • Un non custodial wallet est un portefeuille pour lequel l’investisseur possède sa propre clé privée. Cela signifie que l’utilisateur a le contrôle total de ses fonds et de la clé privée y associée.

De plus, ces wallets peuvent chacun encore être scindés en un hot wallet et un cold wallet, selon que le wallet nécessite ou non une connexion internet :

  • Un hot wallet est un portefeuille qui est toujours connecté à internet. C’est un moyen très accessible de stocker des cryptomonnaies qui constitue le support par excellence pour la plupart des investisseurs. En même temps, cette connexion internet rend les hot wallets plus vulnérables au vol par piratage.
  • Un cold wallet (également appelé offline wallet ou hardware wallet) est un portefeuille physique qui n’est pas connecté à internet. Comme ces wallets ne sont pas connectés à internet, le risque de piratage est beaucoup plus faible.

Alors que les non custodial wallets peuvent être des hot wallets ou des cold wallets, un custodial wallet nécessite toujours une connexion internet (hot wallet).

 

 

b) La discussion (théorique) : un wallet est-il un compte étranger ?

Tout contribuable possédant un compte étranger doit l’indiquer chaque année dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques et le déclarer au PCC. Cette obligation de déclaration est prévue par l’article 307, § 1/1 du Code des impôts sur les revenus (« CIR »). 

Un établissement de banque, de change, de crédit ou d’épargne étranger est défini comme « une institution qui, à l’étranger, preste à titre professionnel des services financiers de même nature que ceux des établissements similaires établis en Belgique ».

Compte tenu de la définition officielle d’un compte bancaire étranger, on peut se demander si un wallet est un compte étranger : « tout compte de toute nature, détenu auprès d’un établissement de banque, de change, de crédit et d’épargne établi à l’étranger (...), créée suite à la conclusion d’un contrat bancaire ou financier avec le contribuable, seul ou conjointement avec d’autres, permettant d’enregistrer et de suivre de façon individualisée les flux et soldes d’actifs monétaires ou financiers détenus par l’établissement concerné pour compte de ce contribuable, seul ou conjointement avec d’autres personnes, ou mis à la disposition de ceux-ci par l’établissement concerné. »[1] En ce qui concerne ces wallets, on peut effectivement se demander si cette définition s’applique ici.

 

Cette discussion théorique trouve une réponse partielle dans la position du ministre des Finances : la question de savoir quel type d’actifs est enregistré sur un compte étranger n’est pas pertinente, selon le ministre ; toute représentation numérique d’une valeur [...] qui n’est pas nécessairement liée à une monnaie établie légalement et qui ne possède pas le statut juridique de monnaie ou d’argent, mais qui est acceptée comme moyen d’échange par des personnes physiques ou morales et qui peut être transférée, stockée et échangée par voie électronique, est qualifiée de compte étranger (questions parlementaires jointes 55025175C, 55025189C, 55025210C et 55025366C de M. Matheï, Mme Jadin et M. Donné du 16.02.2022). Ces comptes doivent donc être inclus dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques dans la mesure où ils sont détenus auprès d’un établissement de banque, de change, de crédit et d’épargne établi à l’étranger.

 

Compte tenu de la réponse du ministre, un « custodial wallet » doit être déclaré dans la déclaration et au PCC. Dans ce cas, les plateformes de change proposent en effet des wallets où les cryptomonnaies peuvent être converties en d’autres cryptomonnaies. En d’autres termes, ces plateformes font office d’établissements de change. Un tel wallet présente des similitudes si importantes avec un compte-titres détenu auprès d’un courtier de change en ligne que les opérations peuvent être considérées comme un service financier.

Pour ce qui est des non custodial wallets (tant « hot » que « cold »), l’obligation de déclaration ne s’applique pas, car aucun intermédiaire n’intervient ici. L’article 307, § 1/1 du CIR ne s’applique donc pas.

 

c) L’application pratique : déclarez votre compte !

Si on laisse de côté la discussion théorique sur la question de savoir si votre wallet peut ou non être considéré comme un compte étranger et s’il est donc soumis à l’obligation de déclaration, il existe plusieurs raisons pour lesquelles la déclaration de vos wallets est presque toujours préférable à leur non-déclaration :

 

  1. Premièrement, les autorités fiscales ont adopté la position selon laquelle les comptes détenus auprès d’établissements de change doivent être déclarés. Francis Adyns, le porte-parole du Service public fédéral Finances, a informé les médias à la mi-2021 que les « comptes crypto » sont des comptes de toute nature et qu’ils doivent donc être déclarés. Fin de la discussion. Il ressort en outre clairement de la réponse du ministre des Finances que les « custodial wallets » doivent être déclarés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques, ainsi qu’au PCC.

 

  1. Deuxièmement, un débat similaire a été mené au sujet de Paypal aux alentours de 2016. À l’époque, certains députés avaient demandé au ministre des Finances si un compte Paypal était considéré comme un compte bancaire étranger du point de vue de l’obligation de déclaration. La décision prise alors était que ces comptes devaient être déclarés, sauf s’ils n’étaient pas utilisés à titre professionnel ET qu’aucun avoir n’y était détenu plus longtemps que nécessaire pour la transaction pour laquelle ils avaient été déposés. Il n’est pas impossible que l’on tire la même conclusion en ce qui concerne le monde de la crypto.

 

  1. La troisième raison, et peut-être la plus importante, est liée au langage corporel du contribuable vis-à-vis des pouvoirs publics. Aujourd’hui, les autorités fiscales ont l’impression que quiconque omet de déclarer un compte est un fraudeur, comme en témoignent les dossiers CRS (Common Reporting Standards) dans la pratique. Ainsi, les autorités fiscales ont la possibilité d’imposer une amende administrative comprise entre 50 et 1 250 euros, tout comme de mener leur enquête sur une période de sept ans au lieu des trois années habituelles. Enfin, en cas de correction, elles imposeront une amende de 50 à 200 % de l’impôt dû.

Le contribuable a tout intérêt à montrer aux autorités fiscales qu’il n’a rien à cacher et à ne pas s’aventurer dans une discussion sur l’obligation de déclarer les comptes. 

 

d) La déclaration au PCC

La déclaration à la Banque Nationale de Belgique se fait par le biais du PCC. Toutefois, à l’heure actuelle, le module sur le site web du PCC n’a pas encore été adapté à la déclaration des crypto wallets : le module continue de demander l’indication d’un numéro de compte, même si les crypto wallets fonctionnent sans numéro de compte ou établissement physique. Dans ce champ, il est préférable d’indiquer ce qui distingue le compte sur la plateforme de change en question des autres comptes. Il s’agit généralement d’une adresse électronique ou d’un nom d’utilisateur.

 

En outre, le site Web du PCC demande l’adresse du siège de l’établissement qui gère le compte. Dans certains cas, c’est très difficile à trouver.[2] Les personnes qui détiennent un compte auprès d’un établissement de change qui ne publie pas l’adresse de son siège peuvent soit chercher sur internet jusqu’à ce qu’elles trouvent une adresse qui leur semble correcte, soit entrer « inconnue ».

 

Le module du PCC n’étant pas adapté à la déclaration des wallets, une lettre d’accompagnement donnant des explications sur les wallets du titulaire offre une valeur ajoutée. Pour jouer totalement cartes sur table, l’existence des non custodial wallets, qui ne doivent en soi pas être déclarés, peut tout de même être indiquée - sans obligation aucune de communiquer les clés publiques.

 

À la fin de la déclaration au PCC, le module offre la possibilité de télécharger un fichier pdf confirmant la déclaration. Il est fortement recommandé de sauvegarder ce document.

e) Que nous réserve l’avenir ?

Au niveau national, on attend aujourd’hui toujours un signal décent de la « Rue de la Loi » pour une intervention législative sur les cryptomonnaies et la blockchain.

 

Au niveau européen, les choses sont différentes. La Commission européenne a entre-temps lancé le processus législatif pour publier deux directives dans le but de mettre en œuvre un cadre juridique harmonisé autour des cryptomonnaies au niveau européen.

 

La première directive que la Commission européenne prévoit de lancer est la directive DAC8, où « DAC » signifie « Directive in Administrative Cooperation », ou Directive en matière de coopération administrative. L’objectif de cette directive est que les autorités fiscales des différents États membres puissent échanger, automatiquement ou simplement à la demande de l’autre, des informations permettant une perception efficace des impôts. Mais pour l’instant, la Commission européenne n’a pas encore mis de proposition concrète sur papier.

 

De son côté, la directive sur les marchés des crypto-actifs (« MICA ») vise à intégrer les cryptomonnaies et la blockchain dans le circuit financier classique grâce à tout un ensemble de règles, principalement destinées aux développeurs de cryptomonnaies et aux opérateurs de plateformes de change. 

f) Cryptomonnaies, cryptiques taxes

Investir dans les cryptomonnaies est particulièrement accessible et simple. Cependant, cela contraste fortement avec le cadre juridique terriblement flou qui régit la taxation de ces investissements particuliers, comme le démontre cet article.

Ceux qui ont encore des questions sur les règles fiscales relatives aux plus-values de la vente de cryptomonnaies et le traitement fiscal des revenus en cryptomonnaies ou la conformité des cryptomonnaies dans le secteur financier pourront lire cela et bien plus dans le livre : « Cryptomonnaies, cryptiques taxes » de Dave Van Moppes, Baptistin Alaime et Jan Van Hemelen de Tuerlinckx Tax Lawyers.

 

[1] Rapport au Roi de l’arrêté royal du 03/04/2015 

[2] Changpeng Zhao, CEO de Binance

 

 

 

 

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