Common Reporting Standard (CRS)- Le fisc m’informe qu’il a pris connaissance de mon patrimoine à l’étranger. Que faire?


Je reçois du fisc le courrier suivant. : « Suite aux informations reçues par l’administration belge de (l’étranger) en date du (…), il ressort que vous être (co-)titulaire ou bénéficiaire d’un ou plusieurs comptes bancaires situés à l’étranger ». Cette phrase, à quelques nuances près, vous est peut-être déjà connue. En effet, cette année, de nombreux contribuables détenant des avoirs au sein d’institutions financières à l’étranger ont reçu une demande de renseignements de l’administration fiscale belge. A la lecture de cette demande, vous découvrez que « les informations financières ont été obtenues de l’étranger dans le cadre du Common Reporting Standard (CRS) » ou de sa variante américaine le « Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) ».
Dans un article précédemment publié en 2016 (disponible ici), nous vous présentions les principes directeurs du système CRS en huit questions. Nous y décrivions, en particulier, la manière dont ce mécanisme a été transposé en droit belge et les obligations reposant sur les institutions bancaires. Quelques années plus tard, le fisc belge a mis sur pied une pratique standardisée de centralisation de l’information provenant de l’étranger (Big Data). Le saviez-vous ? En répondant à 11 nouvelles questions, nous vous apportons quelques éclaircissements sur les mécanismes du CRS et le contexte fiscal actuel.
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I. Qu’est-ce que le CRS aujourd’hui ?
Transparence internationale
Le CRS n’est rien d’autre qu’un système d’échange international automatique d’informations financières. La Belgique, de pair avec d’autres Etats, s’est engagée à fournir des données et informations financières aux Etats de résidence des titulaires de comptes. A ce jour, plus de 90 pays ont déjà marqué le souhait de prendre part à cette obligation d’échange d’informations. Cette obligation incombe à l’institution financière étrangère dans laquelle vous détenez un compte bancaire. Cette information financière est, dans un premier temps, collectée à l’étranger par les administrations fiscales locales, et envoyée, dans un second temps, à la Belgique, votre Etat de résidence. Grâce à ce processus, l’information atterrit donc directement et automatiquement dans les mains des autorités fiscales belges.
Originaire du FATCA
Le CRS est né du Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA). Ce mécanisme n’est certainement pas étranger à ceux parmi vous qui sont titulaires d’un compte aux Etats-Unis. Le FATCA impose au fisc belge de communiquer les informations financières des « citoyens américains » aux autorités américaines, afin que ces dernières puissent s’assurer du respect de la législation fiscale américaine. Le CRS est une copie du FATCA au niveau mondial.
II. D’où le fisc belge détient-il ces informations ?
91 Etats
91 Etats ont envoyé des données financières à la Belgique en 2018. Parmi les Etats participant à ce système d’échange d’informations, nous retrouvons les Etats Membres de l’UE, certains membres de l’OCDE, mais également des pays considérés comme des paradis fiscaux (ou anciens paradis fiscaux) : le Luxembourg, Andorre, le Liechtenstein, Monaco, Hong-kong. En outre, un grand nombre d’autres Etats se sont engagés à prendre part au CRS mais n’ont, pour l’année civile 2018, pas encore effectivement envoyé d’informations à la Belgique. Citons à titre d’exemple les Iles Caïman, les Emirats Arabes Unis et les Iles Marshall. Mais il est clair que ce n’est plus qu’une question de temps.
III. Quelles informations détient-il ou pourrait-il détenir à l’avenir ?
Informations financières sur les revenus et le capital
Les informations échangées dépendent de la nature du compte bancaire détenu. De manière générale, outre les données d’identification du titulaire (ou bénéficiaire) du compte à l’étranger et de l’institution financière dans laquelle le compte est détenu, le fisc belge obtient également des informations sur le montant brut des intérêts et dividendes perçus. Le produit de la vente d’un actif financier provenant d’un compte titre est également communiqué.
Mais cela ne s’arrête pas là. L’administration fiscale est également informée du solde du compte détenu par l’institution financière étrangère. Ainsi, le fisc fait d’une pierre deux coups. Il prend connaissance tant des revenus que des capitaux à l’étranger.
En outre, ne perdons pas de vue qu’il existe encore d’autres mécanismes d’échange d’informations, portant sur des données relatives aux revenus professionnels, pensions ou autres.
IV. Que fait l’administration belge de toutes ces données ?
Les résidents fiscaux belges sont imposables sur leurs revenus mondiaux, sous réserve d’une exonération via une Convention Préventive de Double Imposition (ci-après « CDPI »). Ces CPDI sont des accords internationaux qui déterminent, dans une situation internationale, lequel de l’Etat de résidence ou de l’Etat source peut imposer un revenu déterminé. Le plus souvent, les CPDI prévoient que les revenus mobiliers étrangers (dividendes, intérêts, etc.) ainsi que les plus-values sur actions d’une société à l’étranger sont taxables en Belgique.
Sur base des informations reçues, le fisc belge traque ses résidents qui ont perçu des revenus à l’étranger mais qui ne les ont pas mentionnés dans leur déclaration fiscale belge. Grâce à cet échange automatisé de données, ces revenus mobiliers sont désormais une cible de taxation facile et privilégiée du fisc.
Concrètement, l’administration rassemble toutes ces informations dans une gigantesque base de données. Ses softwares recoupent les informations de cette base de données avec ce que le contribuable a repris dans sa déclaration fiscale belge. Ensuite, les avis de rectification sont envoyés de manière quasi-automatisée aux contribuables en défaut de déclaration.
Dans certains dossiers, avant de procéder à la taxation, l’administration envoie une demande de renseignements par laquelle elle requiert du contribuable, parfois abusivement et illégalement, qu’il complète les informations reçues de l’étranger.
La demande d’information « type » du fisc belge porte notamment sur l’identification de tous les bénéficiaires du compte à l’étranger, la nature de celui-ci et les fonds qu’il contient, l’existence ou non de constructions juridiques, la gestion des capitaux, la nature et l’étendue des attributions etc. L’administration demandera également si une régularisation fiscale a déjà eu lieu. Cette demande est donc très large, souvent trop. En effet, il n’est pas rare que ces informations soient également demandées pour les comptes belges, ce qui correspond à du « fishing expedition » non autorisé par la loi.
V. Dans quel délai le fisc peut-il vous contrôler et vous taxer ?
Jusqu’à 5, 7 et même 10 ans en arrière
Si vous faites l’objet d’un contrôle par l’administration fiscale belge, vous voulez évidemment savoir jusqu’où le fisc peut remonter dans le temps. L’administration peut effectuer un contrôle pour les 5 années précédant celle au cours de laquelle l’information a été portée à sa connaissance par le système d’échange d’informations.
Toutefois, si l’administration parvient à démontrer une intention frauduleuse dans le chef du contribuable, elle pourra remonter jusqu’à sept ans en arrière.
Pire encore, depuis 2019, le fisc pourra même remonter jusqu’à 10 ans en arrière concernant des fonds logés dans un paradis fiscal lorsqu’une construction juridique a été utilisée pour dissimuler l’origine illégale de ceux-ci.
Concrètement, pour les données obtenues par l’administration de l’étranger en 2019, celle-ci peut remonter jusqu’en 2013 pour taxer les revenus perçus cette année (pour autant que l’intention frauduleuse ne soit pas retenue et qu’il ne s’agisse pas de fonds dans un paradis fiscal avec recours à une construction juridique pour dissimuler leur origine) Le tableau ci-dessous clarifie le calcul des délais (abstraction faite des délais pour la fraude fiscale et les constructions juridiques dans des paradis fiscaux).