Column J. Tuerlinckx - Trends: Le Basket en fiscalité. (30/05/2024) (available ENGL)

Jan Tuerlinckx

Vous êtes entrepreneur. Non pas que vous ayez quelque chose à cacher, mais le fait d’être soumis à un contrôle fiscal vous met mal à l’aise. D’un autre côté, tout le monde sait que la « conformité » et son contrôle font inévitablement partie de l’entrepreneuriat. Et lorsque Big Brother – ce qu’est devenue une administration moderne – effectue un contrôle, c’est tout simplement gênant. Il faut l’accepter.

 

Mais la limite de l’inconfort que l’on est tenu de supporter sur le plan social et démocratique n’est-elle pas franchie si ce Big Brother semble avoir plusieurs têtes ? Par exemple, quand un deuxième contrôle fiscal est entamé pendant qu’un premier contrôle est en cours. Pour la même imposition. Sur la même période imposable. Et même sur des éléments liés. Il s’agit certes du même SPF Finances, mais avec et par un service territorial différent. L’équipe PME de Namur a déjà entamé un contrôle. Et quelques semaines plus tard, l’équipe PME de Mons en entame un autre. Pour couronner le tout, elles demandent toutes les deux les mêmes informations. Fiction ou absurdité ? Ni l’un ni l’autre, c’est une pratique courante. Elle porte même un nom : le principe Basket.

 

Ce principe appliqué par le SPF Finances implique que les tâches sont automatiquement attribuées à l’agent « le plus approprié ». Le contexte est le suivant : au fil des ans, l’administration fiscale emploie de moins en moins de personnel. De ce fait, certains services ne parviennent plus à accomplir leur travail. Le système du Basket attribue les tâches « en fonction des priorités sur base des moyens ». Cela signifie que les tâches – et même les sous-tâches – et les dossiers sont répartis entre différents centres en Belgique, même si les contribuables résident dans d’autres régions. L’objectif ? Pallier la pénurie de personnel, de sorte que les zones dans lesquelles la pénurie est la plus criante puissent être gérées par d’autres centres.

 

Certains éléments ne peuvent toutefois être négligés. Le credo managérial du « principe Basket » est assorti d’inévitables lacunes. La Cour des comptes affirme sans ambages que la connaissance locale du terrain est non seulement utile, mais même essentielle. Tant sur le plan positif que négatif. La proximité de l’instance de contrôle garantit la connaissance du tissu local. C’est ainsi que l’on sait comment fonctionnent les affaires au niveau local. Et où se situent les risques. Le premier aspect est positif pour le contribuable, le second pour l’administration fiscale. Inutile d’ailleurs d’en convaincre le comptable lambda. Les clients dont les activités sont éloignées doivent être considérés comme présentant un risque accru au regard de la législation anti-blanchiment. Si je suis comptable à Liège, accepter un garagiste de Tournai comporte plus de risques qu’un même garagiste de Verviers. Tout simplement parce que je comprends mieux les conditions du marché et que je saurai, par simple « ouï-dire », quand il tombera sur un sinistre. La Cour des comptes conclut que la délocalisation à grande échelle des contrôles peut – lisez « va » – nuire à la qualité et au développement des connaissances locales.

 

Outre le fait que deux contrôles en parallèle soient incompréhensibles pour le contribuable, ce dernier est souvent confronté à la même question posée par deux services différents. C’est pourquoi nous devons tendre vers un élargissement du « principe de la collecte unique des données », également appelé « Only Once » (une seule fois), qui oblige l’administration, dont fait évidemment partie le SPF Finances, à simplifier plusieurs procédures ou formulaires administratifs obligatoires pour les citoyens et les entreprises. Ce principe entend éviter aux citoyens et aux entreprises de devoir fournir les mêmes informations à plusieurs reprises. Une seule fois devrait suffire.

La Cour des comptes conclut que la délocalisation à grande échelle des contrôles peut – lisez « va » – nuire à la qualité et au développement des connaissances locales.

En conclusion, le principe Basket est loin d’être convivial pour le contribuable. Mais est-ce un critère pour une administration fiscale ? Le fisc néerlandais utilise le terme « client » plutôt que celui de « contribuable » afin de souligner la nécessité de partir d’une relation de confiance avec le contribuable. Puisque nous parlons de confiance, permettez-moi encore ceci : plus l’administration est proche du citoyen, plus ce dernier fait confiance aux autorités. Si un contribuable du fin fond des Ardennes doit se rendre à Mouscron pour un simple contrôle fiscal, cela ne crée pas une relation de confiance. Le fait que le trajet aller-retour dure environ 6 heures n’arrange évidemment rien. Mais cela ne peut évidemment pas être imputé entièrement au SPF Finances.

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