Contrôle CRS/FATCA
Le seul fait de ne pas avoir déclaré les revenus et le compte bancaire étranger n’est pas suffisant pour démontrer la prétendue intention frauduleuse du contribuable
Depuis quelques années, sur base des informations reçues dans le cadre de l’échange d’informations international CRS et FATCA, l’administration procède à la taxation des revenus mobiliers (dividendes, intérêts, etc.) non déclarés perçus sur un compte détenu à l’étranger.
Elle a développé une pratique généralisée consistant à appliquer (quasi) systématiquement une amende (accroissement) correspondant à 50% du montant de l’impôt que le contribuable doit payer sur les revenus mobiliers qu’il n’a pas déclarés. Il s’agit de l’amende pour l’absence de déclaration d’un revenu avec intention frauduleuse.
L’addition est salée : si un contribuable a perçu des dividendes sur un compte détenu en Allemagne pour 10.000 EUR, il devra payer une taxation de 30% calculée sur 10.000 EUR (déduction faite de l’impôt déjà retenu à l’étranger et sous réserve de l’application de la CPDI), soit 3.000 EUR. L’accroissement sera alors de 1.500 EUR. Au total, 4.500 EUR seront donc à verser au Trésor belge (à majorer des intérêts de retard).
L’administration motive l’application de cet accroissement de 50% (qui est une amende à caractère pénal) par le seul fait que le compte détenu à l’étranger et les revenus mobiliers n’ont pas été déclarés.
Or, un accroissement de 50% ne peut être appliqué que si l’absence de déclaration s’accompagne d’une intention frauduleuse. L’intention frauduleuse correspond à la volonté du contribuable de se procurer un avantage illégal : l’économie d’impôt. En d’autres mots, il savait qu’il devait déclarer ces revenus et a choisi, délibérément, de ne pas le faire pour ne pas payer l’impôt.
L’administration doit toujours prouver cette intention frauduleuse, ce qu’elle ne fait absolument pas dans les actuels redressements fiscaux automatisés. Le simple fait de ne pas déclarer un revenu ne peut jamais suffire à lui seul. Le fisc doit apporter des éléments concrets qui font état de l’intention qui aurait animé le contribuable au moment où il aurait dû déclarer le revenu et a décidé de ne pas le faire.
Mille autres raisons peuvent expliquer l’absence de déclaration : vous pensiez que ces revenus n’étaient pas imposés en Belgique ou que la banque avait fait le nécessaire pour vous ; vous avez reçu un compte-titre par héritage et ne vous êtes jamais vraiment intéressé à son contenu ; ou vous avez été tout simplement négligeant.
L’application systématique d’un accroissement d’impôt de 50% est donc tout à fait contestable.
L’administration fiscale vient d’être rappelée à l’ordre par le Tribunal de Première Instance d’Anvers dans un jugement du 3 mai 2021 (n° rôle 20/1393/A). Dans un dossier CRS/FATCA, le tribunal a rappelé que le seul fait que des revenus n’ont pas été déclarés, même s’ils sont importants, ainsi que le compte bancaire étranger, n’est pas suffisant pour démontrer l’intention frauduleuse. A défaut d’autres éléments concrets démontrant l’intention frauduleuse du contribuable, un accroissement d’impôt de 50% ne peut donc être appliqué. Le tribunal a par conséquent ramené l’accroissement à 10% (absence de déclaration sans intention frauduleuse).
Même s’il s’agit d’une évidence juridique, ce jugement est bienvenu en ce qu’il constitue l’une des premières décisions sur cette problématique spécifique des contrôles CRS/FATCA.
L’accroissement de 50% n’est pas le seul enjeu de cette discussion. Le fisc ne peut remonter jusqu’à 7 ans en arrière (à la place de 3 ou de 5) pour investiguer et imposer que si l’intention frauduleuse est démontrée.
Enfin, si un accroissement d’impôt de 50% est appliqué, par exception à la règle générale, les intérêts de retard dus au Trésor belge seront rétroactifs. Le fait d’être considéré comme un fraudeur par l’administration est donc lourd de conséquence.
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