La guerre pour la base imposable bat son plein
Par le passé, les États se livraient la guerre pour les raisons les plus diverses. La guerre est malheureusement un fléau de tous les temps. L’histoire nous apprend toutefois que le motif de ces guerres ainsi que l’objet du déploiement de force et du cliquetis des armes diffèrent souvent.
Auparavant, la guerre éclatait couramment pour des raisons matérielles, notamment le territoire et le pétrole. Aujourd’hui, le monde entier engage une guerre pour un bien immatériel à première vue singulier: la base imposable. Bref, les impôts! Cette thèse peut paraître surprenante. La guerre implique que les États ont des visions différentes et que celles-ci sont tellement éloignées les unes des autres qu’ils sont prêts à se battre pour les défendre. Cela ne vous aura pas échappé, la communauté internationale s’unit plutôt autour de points de vue communs très forts, qui peuvent être résumés en ces termes: tout le monde doit payer des impôts et ce dans une juste proportion, les paradis fiscaux sont des pratiques inadmissibles et injustifiables, les multinationales ne doivent pas songer à se soustraire aux avantages fiscaux auxquels ne peut que rêver Monsieur Tout-le-monde.
Etats-Unis et Europe aiguisent leurs armes
Des programmes sont déployés dans le giron de l’OCDE – et même en Europe – pour réaliser ces objectifs. Le programme Beps de l’OCDE est probablement le plus connu, mais il y a aussi l’Anti-Tax Avoidance Directive européenne (Adat).
Ces mesures ne ciblent pas uniquement les abus fiscaux, elles remettent aussi en question les stratégies fiscales (inter)nationales des pays. Rien d’étonnant dès lors à ce que toutes sortes d’affaires (Starbucks, Apple…) soient mises en lumière.
L’internationalisation implique toutefois aussi que les pays critiquent leurs régimes fiscaux mutuels et tentent de les mettre sous pression.
Les États-Unis et l’Europe aiguisent leurs armes. Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans le même but: des impôts équitables. Mais les deux continents estiment que ces impôts équitables fournissent une base imposable sur leur propre continent et sur l’autre. Les dossiers fiscaux d’Apple, de Starbucks, de Fiat Chrysler et d’Amazon sèment la zizanie entre les alliés transatlantiques. D’autres points de vue sont adoptés dans ces procès.
Bombe nucléaire fiscale
Sachez également que les États-Unis sont en train de déterrer une bombe nucléaire fiscale pratiquement oubliée, la retaliatory tax. Cette mesure, qui n’a encore jamais été utilisée, permet aux États-Unis de percevoir un impôt deux fois plus élevé sur son territoire pour les habitants de pays qui discriminent les Américains ou les entreprises américaines à l’étranger. Ainsi, pour Apple et les autres procès, les États-Unis pourraient exercer des représailles sur toutes les entreprises européennes présentes sur son territoire.
Les Etats-Unis ne sont cependant pas les seuls à renforcer leur armement. La taxe Google récemment adoptée par l’Inde en est un bon exemple. Cet impôt indirect taxe les paiements transfrontaliers d’entreprises indiennes à des fournisseurs étrangers d’espace média numérique n’ayant pas d’affinités avec le territoire indien.
De cette façon, l’Inde revendique pour ainsi dire une partie du revenu qui s’échappe (sans être taxé) – souvent – vers les États-Unis, voire des paradis fiscaux.
En estampillant cette taxe d’impôt indirect, l’Inde tente de contourner les règles normales de compétence des conventions visant à éviter la double imposition. Cette taxe Google est sans aucun doute l’équivalent moderne du cheval de Troie.
Confusion et incertitude
Il y a d’ailleurs fort à parier que de nombreux pays suivront cet exemple, ce qui ne manquera pas de semer un peu partout la confusion et l’incertitude.
Le monde politique porte donc une lourde responsabilité. Le défi consiste à concilier deux valeurs de base essentielles mais contradictoires: le principe fiscal de territorialité s’oppose en effet aux principes de la libre circulation.
En définitive, tout le monde souhaite la même chose, mais tout le monde ne devra pas faire le même sacrifice pour y parvenir. Dans le passé, des guerres éclataient pour moins que ça. Nous devons donc nous mettre en quête de la variante fiscale de «faites l’amour, pas la guerre».
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