Notre fiscalité immobilière est un cagibi de seconde zone
Fin 2011, ce fut la goutte de trop. À la source du scandale, la réforme fiscale de Di Rupo qui s’est impitoyablement attaquée aux dirigeants d’entreprise. Outre une imposition plus lourde des boni de liquidation et des voitures, une des autres mesures était que l’avantage de toute nature pour une habitation avait presque doublé. Tout au moins si cet avantage de toute nature était fourni par une société. Car si ledit avantage était fourni par une personne physique, le montant restait inchangé.
Rendons ce dernier point plus concret. Un employé d’un architecte qui dirige son activité comme une entreprise unipersonnelle reçoit une villa comme avantage de toute nature habitation. Il paie des impôts sur un avantage, déterminés par le revenu cadastral indexé multiplié par 100/60 et puis encore une fois par 2. Mais si l’architecte employeur décide de diriger son activité avec une société, cet avantage est presque deux fois plus important. Dans la formule, le 2 devient 3,8. Ce, tandis que l’employé en question effectue les mêmes tâches, travaille aussi dur et peut vivre exactement dans la même villa. Incompréhensible. Aucune justification raisonnable ne peut en effet expliquer pourquoi l’employé de la société doit être imposé presque deux fois plus lourdement. Dans le droit, et donc dans le droit fiscal, une différence de traitement doit toujours être justifiée. Par le but de la législation, par les conséquences de la réglementation et par le caractère raisonnable du rapport entre les moyens employés et le but visé. L’absence d’une telle justification est une violation du principe d’égalité repris dans la constitution. Au cours des six derniers mois, la Cour d’appel de Gand et celle d’Anvers sont arrivées à la conclusion que cette disposition est contraire au principe d’égalité. Le contribuable n’est donc pas tenu à l’impôt qui excède celui d’un employé d’une entreprise unipersonnelle. Une chose est sûre, l’administration peut s’attendre prochainement à une avalanche de nouvelles procédures.
Une violation du principe d’égalité n’est jamais bien loin de la fiscalité immobilière. Selon le législateur, si un dirigeant d’entreprise reçoit un bien immobilier mis à sa disposition par une société, la valeur locative est le revenu cadastral indexé multiplié par 100/60 et encore une fois par 3,8. Mais imaginez, à l’inverse, que ce dirigeant d’entreprise donne ce même bien immobilier en location à la société, la valeur locative n’est – selon le même législateur – plus que de cinq tiers du revenu cadastral revalorisé, soit une fraction de la valeur locative dans le sens inverse. Pas besoin d’un dessin pour comprendre que les valorisations se font toujours à l’avantage de l’administration des impôts. Le législateur fiscal se moque donc des règles à son propre avantage.
Même si nous enfonçons une porte ouverte, il convient de le répéter dans ce contexte : le revenu cadastral est la valeur locative d’un bien immobilier conformément aux conditions du marché du milieu des années 70 du siècle dernier. Totalement obsolète. Toute forme d’actualisation comme le fait le législateur revient à construire sur des fondations biaisées. À force de tours d’adresse.
Et last but not least, l’Europe condamne la Belgique parce que la façon dont notre pays gère l’exonération de revenus locatifs de biens immobiliers situés à l’étranger enfreint le principe de libre circulation des capitaux. Cette problématique latente depuis 2012 a conduit, en 2014, à une condamnation par la Cour de Justice. Et pourtant rien n’a encore été fait en ce qui concerne cette problématique.
En conclusion, tandis que la fiscalité immobilière devrait être solide comme une maison, la réalité n’est qu’un cagibi de seconde zone. Et les cagibis doivent être détruits pour céder la place à de nouvelles structures construites à neuf dès les fondations. C’est ainsi que les choses doivent se passer. Mais il est à craindre que le législateur fiscal se limitera de nouveau à bidouiller la technicité afin, une fois de plus, d’imposer plus lourdement le dirigeant d’entreprise à son avantage. Ce serait une occasion manquée. Mais ce ne sera pas la première fois, vous l’aurez compris.
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