Un assujetti peut déduire la tva après l’expiration du délai préfix de 3 ans en cas de facturation tardive
La déduction de la TVA doit, en principe, être opérée dans les 3 ans qui suivent son exigibilité, sauf en cas de déclaration tardive.
Un assujetti à la TVA peut déduire la TVA grevant les biens et services qu’il a consommés pour effectuer des opérations soumises à la TVA.
Ce droit à déduction doit toutefois être exercé dans un délai préfix bien précis. Dans l’état actuel de la législation belge, la déduction doit être opérée avant l’expiration de la troisième année qui suit celle durant laquelle la TVA est devenue exigible. Donc, sauf exceptions particulières, dans les trois ans qui suivent l’année pendant laquelle la livraison de biens ou la prestation de services a été effectuée.
De longue date, l’administration fiscale et la jurisprudence belge considèrent que le droit à déduction est définitivement perdu si celui-ci est exercé après l’expiration de ce délai.
La cjue autorise la déduction de la tva après le délai préfix de 3 ans lorsque celle-ci a été facturée tardivement
L’application stricte de ces règles menait à des situations tout à fait disproportionnées lorsque l’assujetti était dans l’impossibilité d’exercer son droit à déduction dans ce délai de trois ans.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») est, toutefois, très récemment venue au secours des assujettis se trouvant dans ces circonstances. Dans le très récent arrêt Volkswagen du 21 mars 2018, la Cour a, en effet, décidé que lorsque la TVA est facturée à un assujetti et payée par celui-ci plusieurs années après la livraison ou la prestation de services, la déduction de la TVA ne pouvait lui être refusée au motif que le délai préfix (3 ans en Belgique) serait forclos (CJUE, arrêt Volkswagen du 21 mars 2018, C-533/16, point 43).
La CJUE autorise donc la déduction de la TVA après l’expiration du délai préfix de 3 ans lorsque l’assujetti était dans l’impossibilité d’exercer son droit à déduction dans ce délai parce que la TVA lui a été facturée tardivement. En effet, pour déduire la TVA, la loi prévoit que l’assujetti doit être en possession d’une facture lui portant en compte cette TVA.
Il est donc, dans ces circonstances, tout à fait disproportionné de lui refuser la déduction de la TVA puisqu’en toute hypothèse il ne lui était juridiquement pas permis d’exercer son droit à déduction. L’arrêt de la CJUE n’est donc qu’une application de l’adage bien connu « à l’impossible, nul n’est tenu » ! En décider autrement reviendrait à violer le principe de neutralité de la TVA en vertu duquel celle-ci ne doit pas jamais être une charge définitive pour les assujettis, ceux-ci n’intervenant que comme des « collecteurs d’impôts ».
Selon l’avocat général, le délai préfix ne devrait, dès lors, commencer à courir qu’à partir du moment où toutes les conditions matérielles et formelles du droit à déduction sont réunies, ce qui n’est possible qu’à partir du moment où la TVA a été facturée à l’assujetti.
Cette jurisprudence peut, par exemple, s’appliquer à l’assujetti à qui la TVA a été erronément facturée au taux de 6% alors qu’elle aurait dû l’être à 21%. Si, après l’expiration du délai préfix, le fournisseur ou le prestataire de services de cet assujetti fait l’objet d’un contrôle et régularise la TVA, il lui adressera une note de crédit par laquelle il lui facturera la différence de TVA de 15%. La déduction de la TVA devra alors, en vertu de la jurisprudence de la CJUE, lui être accordée, et ce même si elle intervient après l’expiration du délai préfix puisqu’il lui était impossible d’exercer son droit à déduction auparavant.
Conditions pour pouvoir bénéficier de cette jurisprudence ?
Cette jurisprudence ne s’applique bien évidemment pas à l’assujetti négligent qui a omis d’opérer la déduction de la TVA dans ses déclarations périodiques alors que toutes les conditions, aussi bien matérielles que formelles, étaient réunies. L’assujetti doit également être de bonne foi : il ne peut être question de fraude fiscale dans son chef.
La réglementation TVA étant une matière harmonisée au niveau européen, il va de soi que la jurisprudence de la CJUE s’impose à l’administration. On ne peut qu’espérer qu’à l’avenir l’administration appliquera cette jurisprudence. Une circulaire ou, encore mieux, l’insertion des ces principes dans les textes normatifs belges relatifs au droit à déduction sont plus que souhaitables.
A noter que l’arrêt Volkswagen n’est pas isolé, la CJUE s’est prononcé absolument dans le même sens dans son arrêt Biosafe du 12 avril 2018 (CJUE, Biosafe, 12 avril 2018, C-8/17).
Tuerlinckx Avocats Fiscalistes est entièrement disposé à assister les assujettis confrontés à cette problématique
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